La rougeole ou la magie contre la science
Source : Les echos
Eric Le Boucher constate dans Les Echos qu’« à l’heure d’Internet, où l’on a accès aux meilleures connaissances, c’est la déraison qui l’emporte chez les anti-vaccins, précipitant le retour d’épidémies comme la rougeole ».
L’éditorialiste écrit ainsi : « En plus de la fracture sociale, s’ajoute dans les sociétés modernes actuelles une fracture de la raison, encore plus alarmante. D’un côté, la civilisation offre à tous la connaissance par l’accès d’un clic aux meilleurs savants et de l’autre se propagent le délire, le complotisme, les peurs frénétiques et une fraction croissante des individus est adepte de pensées magiques et tentée par le n’importe quoi ».
« Un n’importe quoi scientifique aux conséquences les plus graves. Internet, outil de la raison, a changé de camp pour celui de la déraison avec des conséquences qui sont devenues menaçantes pour l’humanité », poursuit-il.
Eric Le Boucher rappelle que « l’OMS s’alarme d’une augmentation des cas de rougeole de 300% dans le monde au premier trimestre de 2019 par rapport à l’an passé et de 700% en Afrique. On a relevé près de 700 cas de rougeole aux Etats-Unis depuis 2000. En France, il y aurait eu 23 décès entre 2008 et 2018, selon une étude de l’Inserm ».
« Le vaccin contre la rougeole existe depuis un demi-siècle, il est sûr, sans danger et pas cher. Pourtant, la maladie a tué encore 135.000 personnes en 2018 dans le monde, la majorité des enfants de moins de 5 ans », souligne le journaliste.
Il ajoute que « le taux de personnes vaccinées contre la rougeole (deux injections) doit atteindre 95% pour que le virus soit bloqué dans sa propagation et régresse. Nous ne sommes au niveau mondial moyen qu’à 85%. On ne gagne plus sur les maladies. Les épidémies augmentent et se renforcent en gravité. L’OMS l’explique par la persistance de zones à faible vaccination en Afrique et, ce qui est nouveau, par un relâchement de la vigilance à l’égard de la maladie dans les pays développés et par la diffusion de fausses informations sur les vaccins », continue Eric Le Boucher.
Il souligne que « la vaccination est un immense progrès médical, toutes les études scientifiques vont dans son sens, aucune de sérieuse ne les contredit. Mais la défiance s’accroche par deux fils magiques. Un, la «nature», elle, ne ment pas. Les maladies infantiles sont bénignes, elles ne seraient que l’apprentissage de la vie, la vaccination est plus dangereuse car n’est pas «naturelle» ».
« Deuxième fil : on ne peut pas imposer à quelqu’un de prendre le risque d’attraper la maladie par la vaccination ou de subir des complications, chacun doit être libre de choisir le vaccin ou pas. Ce dernier argument ne tient pas puisqu’il faut que l’ensemble d’une population soit vaccinée […] et que la «liberté» individuelle met en cause celle des autres. Mais, dans les années 2000, le thème a poussé les gouvernements à mollir et à rendre simplement «incitatives» les politiques de certaines vaccinations », remarque Eric Le Boucher.
L’éditorialiste note cependant qu’« Agnès Buzyn, ministre de la Santé, a tiré les conclusions de la recrudescence des maladies contagieuses. Le 1er janvier 2018, elle a transformé 8 vaccinations de «recommandées» à «obligatoires». […] En Allemagne, le même débat s’est ouvert, le ministre de la Santé voulant abandonner la politique d’incitation pour l’obligation avec amende en cas de non-respect ».